Date de publication: 10 septembre 2025 / Agriculture / Author : ATH Sokren
Dans une interview accordée à Phnom Penh à CNC, le Dr Hay Ly Eang, fondateur et P-DG du Groupe PPM-Confirel, tirant les leçons du conflit frontalier entre le Cambodge et la ThaIlande, a une nouvelle fois réaffirmé son engagement pour l’indépendance alimentaire du Cambodge et appelé à une mobilisation nationale autour de la production locale.
Le conflit à la frontière, provoqué par l’incursion des troupes thaïlandaises sur le territoire du royaume, a réveillé l’esprit national et conduit une partie significative de la population à boycotter les produits thaïlandais. Ce sursaut patriotique, selon le Dr Hay, ne doit pas être une réaction éphémère, mais une opportunité à saisir pour renforcer la capacité de production nationale. Il a regretté la dépendance historique du Cambodge vis-à-vis des produits importés, conséquence directe de la destruction du tissu industriel et humain par les Khmers rouges et des décennies de sanctions économiques.
Face à la prédominance des produits étrangers sur le marché cambodgien, il a insisté : « Il ne s'agit pas seulement d’une question de perte d'argent, c'est aussi une question de dignité nationale. » L’indépendance alimentaire s’impose donc comme le garant non seulement de la sécurité économique, mais aussi du respect de la souveraineté cambodgienne.
Dans cet entretien, le Dr Hay a appelé à une prise de conscience durable, invitant autorités, entrepreneurs et citoyens à unir leurs forces pour relancer la fabrication nationale. Il a souligné que la production locale reste encore artisanale, souvent loin d’atteindre la taille critique pour concurrencer les produits importés, et que la plupart des grandes entreprises sont sous capitaux et technologies étrangères. Ce constat est un signal d’alarme : « Il faut organiser la production, mobiliser les compétences, développer une véritable politique pour des produits khmers authentiques et reconnus. »
Certains produits emblématiques développés par Confirel, comme le sucre de palme ou le prahok, glanent des succès à l’international. Mais le Dr Hay a rappellé que sans une coordination nationale et une confiance retrouvée dans la capacité cambodgienne à produire « tout ce dont nous avons besoin », le boycott restera sans lendemain, et le pays continuera à dépendre de ses voisins.
Le principal obstacle, pour le Dr Hay, n’est pas matériel ou financier. Il est avant tout humain et moral. Le Cambodge souffre d’un manque de personnels qualifiés et d’un « manque d’esprit national. » Il regrette l’individualisme croissant, le déficit de valeurs et de morale, soulignant que « sans esprit national, on ne sait pas comment défendre la nation. »
Il a plaidé pour une éducation visant à renforcer la confiance dans les produits locaux, et pour une union de tous les acteurs — privé, public, citoyens — afin de bâtir une économie résiliente fondée sur la qualité et la fierté nationale.
L’expérience de PPM et Confirel, pionnières dans leur secteur, prouve qu’une relance est possible. Malgré des débuts difficiles, ces entreprises sont parvenues à exporter dans de nombreux pays, illustrant le potentiel du secteur agroalimentaire et pharmaceutique cambodgien.
Pour Dr Hay, il est impératif que ce sursaut patriotique ne soit pas « un feu de paille », mais la base d’une stratégie de long terme pour faire du Cambodge un acteur reconnu et respecté, tant régionalement qu’internationalement. La leçon du conflit avec la Thaïlande, en somme, est claire : l’indépendance alimentaire est l’affaire de tous, et le soutien aux produits cambodgiens doit devenir une habitude, non une exception.